"infos Gaza" – 19 –          Palestine 33  Tel et Fax  05 56 62 05 78                   jacques.salles@wanadoo.fr

 

Message de Sharon au peuple palestinien      

Document écrit par Hanan Ashrawi (12 mars 2001)

A tous les présents, hommes, femmes et enfants, dans les territoires palestiniens, faisons savoir que : VOUS êtes ma cible ; vous allez en baver ; et vous allez payer pour votre péché originel : être palestiniens et être ici. Nous avons décrété que toutes les villes, toutes les bourgades, tous les villages et tous les camps sont des prisons. Au lieu d'arrêter tous les individus et d'avoir à construire toujours plus de centres de détention et d'avoir, par-dessus le marché, à régler la note de votre détention, je me contenterai désormais d'ordonner à l'armée de creuser des tranchées et d'ériger des barricades autours de vos agglomérations, rendant ainsi votre isolation totale, d'un seul mouvement. Où que vous soyez, vous êtes en état d'arrestation, à vos frais, et chez vous. Les écoliers ne peuvent pas aller à l'école et les lycéens doivent rester chez eux. Certains d'entre vous pourraient tenter d'escalader les remblais de terre ou de contourner les tranchées. Bonne chance ! Après des heures de galère, vous pourriez bien vous retrouver nez à nez avec un tank (ou plusieurs), vous attendant au tournant. Défiez le siège qui vous est imposé à vos risques et péril, et si vous crevez, ne venez pas me chercher. Je vous ai repérés : vous êtes coupables, ayant commis l'acte subversif de chercher à vous former. La même chose vaut pour vos enseignants et les directeurs de vos écoles, qui ont commis le crime non moins inexpiable d'avoir tenté de vous délivrer un enseignement. De plus, je ne peux imposer la fermeture de toutes vos institutions éducatives avec un ordre militaire : cela ternirait ma nouvelle image, très habilement retouchée, en Occident (et mon tout nouvel allié, Shimon, n'aimerait peut-être pas ça). Ainsi, vos institutions s'écrouleront d'elles-mêmes et l'ignorance régnera en maître. Interdiction est faite à partir de ce jour à tous patient nécessitant des soins (y compris les cancéreux, les déficients rénaux et les cardiaques) de se rendre dans les hôpitaux et les cliniques. Vous devrez souffrir en silence et vous devrez mourir en silence, car vous êtes coupables d'oser réclamer le traitement humain réservé aux vraies personnes - et non aux terroristes génétiques infra humains que vous êtes. Toute femme enceinte devra, à partir de ce jour, accoucher chez elle, ou dans une ambulance bloquée à un point de contrôle, (précision : pour celles qui oseraient défier l'état de siège). Dans le cas où vous auriez à souffrir de complications entraînant la mort de votre nouveau-né (ou la vôtre propre), vous auriez à en supporter l'entière responsabilité. En effet, vous êtes coupable du crime suprême de tentative de mettre au monde encore plus de terroristes palestiniens. Toute mère doit savoir qu'aucun vaccin ne pourra parvenir à ses enfants, car ils n'ont aucun titre à une quelconque protection contre les maladies infantiles. En effet, ils ne peuvent, en grandissant, que représenter une menace pour notre sécurité. Interdiction est faite à tout boutiquier, commerçant, industriel, entrepreneur, homme d'affaires (et femmes d'affaires, nous ne sommes pas sexistes) de se livrer à une forme quelconque d'activité lucrative. De toute manière, étant donné que vous ne pouvez aller nulle part, autant rester chez vous et regarder vos familles mourir de faim, même si vos entrepôts sont pleins à craquer de biens que vous ne pouvez pas commercialiser. Vous aussi, vous êtes coupables de tentative de mener une vie normale en totale contravention de la légitimité de l'occupation.
Ceci s'applique, a fortiori, aux fermiers, aux paysans, à toutes les personnes travaillant dans le secteur agricole. Cela ne vous suffit donc pas, que nous ayons confisqué la plus grande partie de vos terres pour y construire des colonies pour ces valeureux colons qui ont dû subir tant de persécutions à New York, Londres, Moscou et autres lieux hostiles pour venir chez nous, dans le Pays où coulent le Lait et le Miel ? Vous n'aviez rien à faire là, à labourer la terre et à nourrir vos enfants. Maintenant, nous devons confisquer encore plus de terres pour ces colons, afin de construire des routes de contournement (je m'explique : pour contourner votre réalité obscène) et pour les relier directement à Israël, sans que leur yeux ne soient offusqués du spectacle insoutenable de votre simple existence. Vous appelez : apartheid ? Nous, nous appelons ça : sécurité imposée par le fusil. Si nos braves colons ont tiré contre vous, déraciné vos arbres, détruit vos cultures et terrifié vos enfants, c'est là bien le moins qu'ils aient pu faire, lorsqu'on connaît les difficultés qu'ils ont dû supporter lorsqu'ils eurent à accaparer de nouvelles terres. Quant à nous, nous sommes, bien entendu, plus qu'heureux de leur assurer la pleine protection et le plein réconfort de notre armée lorsqu'ils sèment la dévastation parmi vous, et nous allons bien entendu enfreindre nos propres lois afin de prouver leur innocence quelles que fussent leurs victimes, tuées, estropiées ou injuriées, chez les vôtres. Quand donc apprendrez-vous une bonne fois pour toute que vous êtes quantité négligeable ? Eux, ils comptent, et nous allons tout faire pour bien prouver que dans cette équation, le zéro, c'est vous. Je vais être extrêmement direct. Je vous accuse de nous obliger à vous assiéger, vous tuer, bombarder vos maisons, assassiner vos activistes et vos dirigeants, et à devoir nous charger d'autres corvées dégoûtantes du même acabit (même si je dois reconnaître avoir acquis une longue et riche expérience en matière d'invasion de territoires arabes, d'assassinats de civils et de prisonniers de guerre, et de massacres en gros de Palestiniens, rendus nécessaires par la destruction de villages entiers : on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs). Vous êtes carrément exaspérants. Nous vous avons fait une offre extrêmement généreuse ; eussiez-vous donné votre consentement, nous n'aurions annexé que des parties de votre territoire (y compris nos complexes de colonies), étendu nos colonies en fonction des besoins (et de notre bon désir), annexé Jérusalem et décrété que nous la maintiendrions sous notre seule souveraineté (tout en faisant tout notre possible pour la débarrasser de tout Palestinien), dénié aux réfugiés palestiniens tout droit au retour. Eh bien, non, vous avez persisté, ingrats que vous êtes, dans votre refus borné. Vous invoquez le droit international et la légitimité ? N'importe quoi ! Seules nos lois prévalent, et nous vous déclarons dans l'illégalité Malgré tous nos efforts de persuasion (ou nos véhicules armés, nos tanks, nos tireurs d'élite, nos points de contrôle militaires, tous autant de moyens ô combien subtils de persuasion), vous avez continué à dénier nos droits sur vos terres et sur vos droits. Il faut bien nous servir, prendre ce qui est à vous - sinon, l'occupation, c'est pour les chiens ? Quel autre usage pourrait-on bien faire du pouvoir, si ce n'est le déchaîner contre plus faible que soi ? C'est pourquoi vous êtes coupables et vous méritez la plus sévère des peines (nous n'avons peut-être pas la peine de mort dans notre arsenal législatif, mais nous ne sommes jamais pris au dépourvu, lorsqu'il s'agit de procéder aux assassinats et exécutions extra-judiciaires quand c'est opportun). Vous êtes coupables - de vous entêter à vous réclamer de votre humanité, d'oser exercer une volonté collective (et individuelle), de refuser de vous soumettre, d'oser réclamer des droits égaux devant la loi, de maintenir votre dignité et une aspiration obstinée à la liberté. Nous, par contre, nous devons être libres de vous infliger toutes sortes de peines et de mauvais traitements, et vous, il vous revient de vous coucher et de mourir en silence. Vous devez être mis hors d'état de troubler notre tranquillité ou notre sécurité. Nous avons le droit de vous amener au désespoir, et au cas où vous protesteriez ou réagiriez, non seulement vous serez mis au pilori comme terroristes, mais nous saurons bien vous forcer à vous soumettre tout en vous appelant à "arrêter la violence" et à "mettre un terme au terrorisme".
Non seulement ça ; nous irons à la CNN (et auprès de tous les médias occidentaux qui nous traitent avec bienveillance, à dire le moins), pour vous dénoncer de refuser la main que nous vous tendons pour faire la paix. Ne vous en faites pas : ils avaleront ça...L'amorce, l'appât, le hameçon, la ligne , et le flotteur avec...On les a tellement bassinés avec nos bobards, depuis tant d'années, qu'ils ont perdu non seulement tout sens critique et toute déontologie journalistique, mais aussi leurs sens de la vision et de l'audition, lorsqu'il s'agit d'images et de récits vous concernant. Ils ne font attention à rien, sauf lorsque vous faites du mal à un Israélien ou que vous leur offrez sur un plateau un négatif, avec vous dessus, du modèle idéal qu'ils ont de nous. Aussi, abandonnez tout espoir d'avoir une quelconque audience ou une quelconque sympathie pour vous dans le monde - vous êtes coupables, donc vous allez être accusés. Et si vous souffrez à cause de la notion illusoire et erronée que les Nations Unies ou toute autre institution mondiale viendra un jour à votre secours, soyez tranquilles : c'est pas encore demain la veille !
Kofi Anan a été mandaté pour prévenir la destruction de statues antiques (inestimable héritage culturel) en Afghanistan ; on ne peut pas lui demander d'être à la fois au four et au moulin, et de s'occuper, en même temps, de réalités humaines. De plus, nous pourrions lui promettre un certain rôle dans le processus de paix, pour peu qu'il soit bien sage et qu'il regarde ailleurs. Nous pourrions bien avoir plus de fil à retordre avec vos amis européens, mais ils ne peuvent se payer le luxe de nous prendre à rebrousse-poil. Quant à la nouvelle administration américaine : il n'y a aucun suspense. Elle a décidé, elle aussi, de me donner du temps afin de faire la démonstration de mes compétences en matière de paix. Et je n'ai pas assez de tout mon temps pour les démontrer jusqu'à la garde, comme vous le voyez et le sentez passer. Je ferai la paix avec vous, si cela exige tout ce que vous ayez, y compris votre terre, vos vies, vos droits, et votre liberté. Mes collègues (notamment le chef d'état-major, le général Mofaz, et le ministre de la défense, le général Ben Eliezer) sont là pour me seconder. C'est merveilleux de pouvoir faire de mon mieux, tout en ayant des marionnettes travaillistes (comme Fuad) et des apologistes (comme Pérès) dans mon équipe. Voilà des gens tout-à-fait capable de me blanchir la façade ! De plus, je ne fais rien de bien pire que ce que faisait Barak. Au moins, je ne bombarde plus vos maisons (nos tontons américains n'aimaient pas que l'on utilise les joujoux Apache qu'ils nous ont offerts, pour ce faire et, en plus, ça n'était pas très télégénique). Alors, si vous tenez à vos intérêts, comportez-vous comme de bons petits indigènes et baisez la main qui vous bat comme plâtre. Dites OUI à la paix, à la paix à ma façon, et je vous garantis que vous aurez un système d'apartheid ultra-performant. D'ici là, arrêtez la violence et arrêtez d'être les terroristes que vous êtes. Pour ce qui me concerne, je demeurerai l'éternel pacifiste et humaniste que j'ai toujours été quelque part, à ma manière. Ah, si seulement vous vouliez bien vous mettre à ma place et voir les choses comme je les vois...


PS : (note de Shimon Pérès) - Je suis réellement peiné par ce que vous devez supporter, mais croyez-moi, je ne peux absolument rien faire, ayant uni mon sort à ceux des Sharon, Liberman et Ze'evi de ce bas monde. Toutefois, je continuerai à travailler dans le sens de ma vision toute personnelle des nouvelles réalités au Moyen-Orient. Ce n'est qu'un échantillon de ce qui vous attend. Excusez-moi, il faut que je courre rencontrer les collègues européens et les journalistes pour leur expliquer que Sharon n'est pas aussi mauvais que ce que l'on dit. Il est un homme nouveau, pour une ère nouvelle. Et croyez-moi, vu mon âge et mon histoire politique (et les siens), vendre un bobard pareil, ça n'est pas une sinécure, vous pouvez me croire !