"infos Gaza" – 19 –
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Message de Sharon au peuple palestinien
Document écrit par Hanan Ashrawi (12 mars 2001)
A tous les présents, hommes, femmes et enfants, dans les
territoires palestiniens, faisons savoir que : VOUS êtes ma cible ; vous allez
en baver ; et vous allez payer pour votre péché originel : être palestiniens
et être ici. Nous avons décrété que toutes les villes, toutes les bourgades,
tous les villages et tous les camps sont des prisons. Au lieu d'arrêter tous
les individus et d'avoir à construire toujours plus de centres de détention et
d'avoir, par-dessus le marché, à régler la note de votre détention, je me
contenterai désormais d'ordonner à l'armée de creuser des tranchées et d'ériger
des barricades autours de vos agglomérations, rendant ainsi votre isolation
totale, d'un seul mouvement. Où que vous soyez, vous êtes en état
d'arrestation, à vos frais, et chez vous. Les écoliers ne peuvent pas aller à
l'école et les lycéens doivent rester chez eux. Certains d'entre vous
pourraient tenter d'escalader les remblais de terre ou de contourner les tranchées.
Bonne chance ! Après des heures de galère, vous pourriez bien vous retrouver
nez à nez avec un tank (ou plusieurs), vous attendant au tournant. Défiez le
siège qui vous est imposé à vos risques et péril, et si vous crevez, ne
venez pas me chercher. Je vous ai repérés : vous êtes coupables, ayant commis
l'acte subversif de chercher à vous former. La même chose vaut pour vos
enseignants et les directeurs de vos écoles, qui ont commis le crime non moins
inexpiable d'avoir tenté de vous délivrer un enseignement. De plus, je ne peux
imposer la fermeture de toutes vos institutions éducatives avec un ordre
militaire : cela ternirait ma nouvelle image, très habilement retouchée, en
Occident (et mon tout nouvel allié, Shimon, n'aimerait peut-être pas ça).
Ainsi, vos institutions s'écrouleront d'elles-mêmes et l'ignorance régnera en
maître. Interdiction est faite à partir de ce jour à tous patient nécessitant
des soins (y compris les cancéreux, les déficients rénaux et les cardiaques)
de se rendre dans les hôpitaux et les cliniques. Vous devrez souffrir en
silence et vous devrez mourir en silence, car vous êtes coupables d'oser réclamer
le traitement humain réservé aux vraies personnes - et non aux terroristes génétiques
infra humains que vous êtes. Toute femme enceinte devra, à partir de ce jour,
accoucher chez elle, ou dans une ambulance bloquée à un point de contrôle,
(précision : pour celles qui oseraient défier l'état de siège). Dans le cas
où vous auriez à souffrir de complications entraînant la mort de votre
nouveau-né (ou la vôtre propre), vous auriez à en supporter l'entière
responsabilité. En effet, vous êtes coupable du crime suprême de tentative de
mettre au monde encore plus de terroristes palestiniens. Toute mère doit savoir
qu'aucun vaccin ne pourra parvenir à ses enfants, car ils n'ont aucun titre à
une quelconque protection contre les maladies infantiles. En effet, ils ne
peuvent, en grandissant, que représenter une menace pour notre sécurité.
Interdiction est faite à tout boutiquier, commerçant, industriel,
entrepreneur, homme d'affaires (et femmes d'affaires, nous ne sommes pas
sexistes) de se livrer à une forme quelconque d'activité lucrative. De toute
manière, étant donné que vous ne pouvez aller nulle part, autant rester chez
vous et regarder vos familles mourir de faim, même si vos entrepôts sont
pleins à craquer de biens que vous ne pouvez pas commercialiser. Vous aussi,
vous êtes coupables de tentative de mener une vie normale en totale
contravention de la légitimité de l'occupation.
Ceci s'applique, a fortiori, aux fermiers, aux paysans, à toutes les personnes
travaillant dans le secteur agricole. Cela ne vous suffit donc pas, que nous
ayons confisqué la plus grande partie de vos terres pour y construire des
colonies pour ces valeureux colons qui ont dû subir tant de persécutions à
New York, Londres, Moscou et autres lieux hostiles pour venir chez nous, dans le
Pays où coulent le Lait et le Miel ? Vous n'aviez rien à faire là, à
labourer la terre et à nourrir vos enfants. Maintenant, nous devons confisquer
encore plus de terres pour ces colons, afin de construire des routes de
contournement (je m'explique : pour contourner votre réalité obscène) et pour
les relier directement à Israël, sans que leur yeux ne soient offusqués du
spectacle insoutenable de votre simple existence. Vous appelez : apartheid ?
Nous, nous appelons ça : sécurité imposée par le fusil. Si nos braves colons
ont tiré contre vous, déraciné vos arbres, détruit vos cultures et terrifié
vos enfants, c'est là bien le moins qu'ils aient pu faire, lorsqu'on connaît
les difficultés qu'ils ont dû supporter lorsqu'ils eurent à accaparer de
nouvelles terres. Quant à nous, nous sommes, bien entendu, plus qu'heureux de
leur assurer la pleine protection et le plein réconfort de notre armée
lorsqu'ils sèment la dévastation parmi vous, et nous allons bien entendu
enfreindre nos propres lois afin de prouver leur innocence quelles que fussent
leurs victimes, tuées, estropiées ou injuriées, chez les vôtres. Quand donc
apprendrez-vous une bonne fois pour toute que vous êtes quantité négligeable
? Eux, ils comptent, et nous allons tout faire pour bien prouver que dans cette
équation, le zéro, c'est vous. Je vais être extrêmement direct. Je vous
accuse de nous obliger à vous assiéger, vous tuer, bombarder vos maisons,
assassiner vos activistes et vos dirigeants, et à devoir nous charger d'autres
corvées dégoûtantes du même acabit (même si je dois reconnaître avoir
acquis une longue et riche expérience en matière d'invasion de territoires
arabes, d'assassinats de civils et de prisonniers de guerre, et de massacres en
gros de Palestiniens, rendus nécessaires par la destruction de villages entiers
: on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs). Vous êtes carrément exaspérants.
Nous vous avons fait une offre extrêmement généreuse ; eussiez-vous donné
votre consentement, nous n'aurions annexé que des parties de votre territoire
(y compris nos complexes de colonies), étendu nos colonies en fonction des
besoins (et de notre bon désir), annexé Jérusalem et décrété que nous la
maintiendrions sous notre seule souveraineté (tout en faisant tout notre
possible pour la débarrasser de tout Palestinien), dénié aux réfugiés
palestiniens tout droit au retour. Eh bien, non, vous avez persisté, ingrats
que vous êtes, dans votre refus borné. Vous invoquez le droit international et
la légitimité ? N'importe quoi ! Seules nos lois prévalent, et nous vous déclarons
dans l'illégalité Malgré tous nos efforts de persuasion (ou nos véhicules
armés, nos tanks, nos tireurs d'élite, nos points de contrôle militaires,
tous autant de moyens ô combien subtils de persuasion), vous avez continué à
dénier nos droits sur vos terres et sur vos droits. Il faut bien nous servir,
prendre ce qui est à vous - sinon, l'occupation, c'est pour les chiens ? Quel
autre usage pourrait-on bien faire du pouvoir, si ce n'est le déchaîner contre
plus faible que soi ? C'est pourquoi vous êtes coupables et vous méritez la
plus sévère des peines (nous n'avons peut-être pas la peine de mort dans
notre arsenal législatif, mais nous ne sommes jamais pris au dépourvu,
lorsqu'il s'agit de procéder aux assassinats et exécutions extra-judiciaires
quand c'est opportun). Vous êtes coupables - de vous entêter à vous réclamer
de votre humanité, d'oser exercer une volonté collective (et individuelle), de
refuser de vous soumettre, d'oser réclamer des droits égaux devant la loi, de
maintenir votre dignité et une aspiration obstinée à la liberté. Nous, par
contre, nous devons être libres de vous infliger toutes sortes de peines et de
mauvais traitements, et vous, il vous revient de vous coucher et de mourir en
silence. Vous devez être mis hors d'état de troubler notre tranquillité ou
notre sécurité. Nous avons le droit de vous amener au désespoir, et au cas où
vous protesteriez ou réagiriez, non seulement vous serez mis au pilori comme
terroristes, mais nous saurons bien vous forcer à vous soumettre tout en vous
appelant à "arrêter la violence" et à "mettre un terme au
terrorisme".
Non seulement ça ; nous irons à la CNN (et auprès de tous les médias
occidentaux qui nous traitent avec bienveillance, à dire le moins), pour vous dénoncer
de refuser la main que nous vous tendons pour faire la paix. Ne vous en faites
pas : ils avaleront ça...L'amorce, l'appât, le hameçon, la ligne , et le
flotteur avec...On les a tellement bassinés avec nos bobards, depuis tant d'années,
qu'ils ont perdu non seulement tout sens critique et toute déontologie
journalistique, mais aussi leurs sens de la vision et de l'audition, lorsqu'il
s'agit d'images et de récits vous concernant. Ils ne font attention à rien,
sauf lorsque vous faites du mal à un Israélien ou que vous leur offrez sur un
plateau un négatif, avec vous dessus, du modèle idéal qu'ils ont de nous.
Aussi, abandonnez tout espoir d'avoir une quelconque audience ou une quelconque
sympathie pour vous dans le monde - vous êtes coupables, donc vous allez être
accusés. Et si vous souffrez à cause de la notion illusoire et erronée que
les Nations Unies ou toute autre institution mondiale viendra un jour à votre
secours, soyez tranquilles : c'est pas encore demain la veille !
Kofi Anan a été mandaté pour prévenir la destruction de statues antiques
(inestimable héritage culturel) en Afghanistan ; on ne peut pas lui demander d'être
à la fois au four et au moulin, et de s'occuper, en même temps, de réalités
humaines. De plus, nous pourrions lui promettre un certain rôle dans le
processus de paix, pour peu qu'il soit bien sage et qu'il regarde ailleurs. Nous
pourrions bien avoir plus de fil à retordre avec vos amis européens, mais ils
ne peuvent se payer le luxe de nous prendre à rebrousse-poil. Quant à la
nouvelle administration américaine : il n'y a aucun suspense. Elle a décidé,
elle aussi, de me donner du temps afin de faire la démonstration de mes compétences
en matière de paix. Et je n'ai pas assez de tout mon temps pour les démontrer
jusqu'à la garde, comme vous le voyez et le sentez passer. Je ferai la paix
avec vous, si cela exige tout ce que vous ayez, y compris votre terre, vos vies,
vos droits, et votre liberté. Mes collègues (notamment le chef d'état-major,
le général Mofaz, et le ministre de la défense, le général Ben Eliezer)
sont là pour me seconder. C'est merveilleux de pouvoir faire de mon mieux, tout
en ayant des marionnettes travaillistes (comme Fuad) et des apologistes (comme Pérès)
dans mon équipe. Voilà des gens tout-à-fait capable de me blanchir la façade
! De plus, je ne fais rien de bien pire que ce que faisait Barak. Au moins, je
ne bombarde plus vos maisons (nos tontons américains n'aimaient pas que l'on
utilise les joujoux Apache qu'ils nous ont offerts, pour ce faire et, en plus,
ça n'était pas très télégénique). Alors, si vous tenez à vos intérêts,
comportez-vous comme de bons petits indigènes et baisez la main qui vous bat
comme plâtre. Dites OUI à la paix, à la paix à ma façon, et je vous
garantis que vous aurez un système d'apartheid ultra-performant. D'ici là, arrêtez
la violence et arrêtez d'être les terroristes que vous êtes. Pour ce qui me
concerne, je demeurerai l'éternel pacifiste et humaniste que j'ai toujours été
quelque part, à ma manière. Ah, si seulement vous vouliez bien vous mettre à
ma place et voir les choses comme je les vois...